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 Dossiers du site : Le Grand Guignol (2)

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NK_Wyvern
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NK_Wyvern


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MessageSujet: Dossiers du site : Le Grand Guignol (2)   Dossiers du site : Le Grand Guignol (2) EmptyLun 10 Nov - 0:18

« Une nuit au bouge » - Aaah, une de mes pièces préférées du Grand Guignol, et de loin ! Sur une base toujours aussi minimaliste (deux personnages), quelle histoire, et quelle fin !

Il s’agit donc ici de deux nobles qui conçoivent un pari : demeurer une nuit dans l’un des plus terribles coupe-gorge de notre capitale, « pas à Montmartre, il n’y a que des peintres, mais chez Bonardel, là où il y a des assassins, des vrais. »

L’œuvre de Charles Méré y présente donc Lucienne de Martigny et le Prince Attalonga, fraîchement débarqués dans la chambre crasseuse (seul décor, évidemment).

La curiosité, le défi, puis la première appréhension de leur situation se trouveront rapidement mêlés au désir sexuel, et à la passion. Attalonga aime cela, « follement », mélanger danger et romance. La duchesse, elle, est plus en retrait. Ce jeu l’ennuie rapidement ; elle semble à peu près impassible, nullement effrayée, et même bravache tandis que son compagnon essaie, pour sa part, d’élever la tension.

Enfin, l’élément inquiétant surgit dans ce pari étrange : Qui est réellement Attalonga ? Le doute s’instille sur sa personne ; il connaît notamment trop de choses sur la chambre qu’il a lui-même réservé ; la fin, tranchante bien entendu, achèvera de renverser encore la situation : Attalonga-bandit fait défaillir la duchesse, et s’apprête à en profiter encore, lorsque le garçon, son complice, frappe à la porte.

Trois « clients » de Chez Bonardel « veulent le voir » ; Attalonga est dos au mur, pas moyen de s’échapper ; sa compagne est toujours inconsciente. Il la réveille brusquement, affolé, ce qui accroit encore l’instabilité psychologique de la pauvre duchesse. Par folie et par peur, elle poignarde son « agresseur » ; Attalonga s’écroule ; les trois bandits entrent.

La duchesse, effrayée, se tient près du cadavre d’Attalonga, couteau en main. Les trois voleurs pillent le cadavre du « prince », puis échangent à voix basse des considérations assorties d’œillades en direction de la duchesse ; celle-ci, paniquée, reste silencieuse ; enfin, l’un des voleurs s’approche de la femme, lui donne la moitié des billets contenus dans le portefeuille d’Attalonga, et grogne : « On partage. »

Puis, ils la chassent sans tarder, et s’attèlent au transport du cadavre. Les trois malfrats quittent la scène en sifflotant.

Une jolie pièce sur l’ironie donc, avec le fameux thème de « l’arroseur arrosé », et une double / triple fin : Attalonga est un voleur, puis on voit à travers le personnage du garçon qu’il n’en est pas vraiment un, Attalonga est attaqué, la victime se venge de l’agresseur (fictif), les agresseurs ne tuent pas la duchesse, et partagent avec elle le butin. Tout un ensemble de double jeu est donc esquissé ici, à travers très peu de personnages, au sein d'une oeuvre relativement courte.

La premier ressort, classique, du faux amant / vrai agresseur, est habilement mené : Attalonga n’est-il qu’un extravagant, ou cache-t-il quelque chose de plus profond, de plus malsain ? Quelques répliques « entre deux tons », pour reprendre les didascalies de la pièce, amorcent la stratégie de la peur dont se délecte l’amant.

Il est néanmoins pris à son propre piège, et pour avoir menacé une « faible femme », même par jeu, il est à son tour confronté au danger. Mais ce n’est pas encore cette menace qui le perdra, puisque c’est la duchesse, qu’il essaie sincèrement de sauver, qui le poignarde !



Au même titre de pièce mettant en scène une femme-victime qui triomphera finalement de son agresseur, on trouve « Lui ! » d’Oscar Métenier, l’un des premiers grands succès du genre. Les critiques sont médusés : « C’est la plus oppressante scène qu’il nous ait été donné de voir » « La scène est si vraie que la peur gagne la salle ».

S’il est vrai que « Lui ! » est un texte intéressant, particulièrement à travers quelques scènes (la pièce est très courte) de suspens pur, n’allons pas pour autant crier au génie… L’oeuvre s’ouvre sur une chambre de passe. Une jeune prostituée discute avec sa « gardienne », la mère Briquet. Celle-ci lui apporte le journal, et lui parle d’un tueur qui décapite les petites vieilles pour les voler. Violette, la fille, est dégoûtée. Un client vient ; la gardienne s’éclipse.

Qui est-ce donc ? Suspens, roulement de tambours… Le tueur ! Eh oui, il fallait le trouver.

Et pourtant… malgré une intrigue aussi simple, la pièce fonctionne. Allez y comprendre quelque chose… D’abord, il ne ressemble pas tout à fait à son signalement. Mais, rapidement, une montagne de petits « détails » vont le confondre… jusqu’à ce qu’il déclare, à trois reprises avant de s’endormir : « couper des cabèches… du velours… du chocolat… » !

Vive la subtilité !

Mais, encore une fois, inexplicablement, l’intrigue tient ; les scènes s’enchaînent, et ce personnage existe, tel le premier vrai monstre du Grand Guignol, un cliché extrême pourtant indéniablement réel. « Martinet », puisque c’est son joli petit nom, n’est ici d’abord qu’un client, pas méchant avec la prostituée, mais sérieusement grave tout de même. Ses relations avec Violette sont intéressantes. Elle le perdra, évidemment ; La fille réussit à s’enfuir dans son sommeil, et à prévenir les gendarmes.

L’épilogue de l’histoire n’est pas pour autant, malgré cette absence de mort sur scène, particulièrement joyeux : Violette ressent le frisson de la panique, une fois le danger passé, s’assoit sur son lit et tremble. Ses deux dernières répliques sont : « J’ai peur. J’ai peur. »



On voit peut-être, à travers ces quelques exemples de pièces du Grand Guignol, un aperçu plus juste du genre, que celui que la postérité lui a laissé : non pas un ensemble de « farces sanglantes », mais des pièces « faciles », des pièces « accessibles » basées sur l’enjeu de tenir en haleine le spectateur, et de le placer dans une position de malaise, de supicion, d’angoisse parfois.

Cependant, le registre de langage du Grand Guignol, s’il hésite entre le grossier et le bourgeois, touche parfois au sublime et au poétique, telle « La mascarade interrompue » de la baronne Hélène de Zuylen de Nyevelt, exemple rare de pièce « horrifique » et pourtant presque académique. Doublement rare d’ailleurs, puisqu’il s’agit malheureusement de l’unique œuvre de la baronne dans ce répertoire, qui pourtant lui allait comme un gant.

Adaptation du « Masque de la mort rouge » d’Edgar Alan Poe, « La mascarade interrompue » (qui a été ensuite retitrée « La Peste rouge ») décrit les derniers instants d’une cour princière. Dans un pays ravagé par la Peste rouge, qui tue et donne des sueurs de sang, le Prince a réuni tous ses nobles dans une abbaye, afin de les protéger, en les isolant totalement de l’épidémie.

Les portes ont ainsi été scellées ; enfin, le Prince fait donner un gigantesque bal masqué, grotesque, bizarre et joyeux, et prohibe toute émotion qui ne serait pas de la gaîté légère. Mais la menace de la maladie plane et trouble l’esprit de certains des courtisans ; parmi le luxe et la joie, l’atroce peur de la Peste rouge s’insinue.

Comme dans la nouvelle de Poe, surgit tout-à-coup, au milieu de ce bal, un nouveau masque ; personne ne sait qui il cache ; il avance, affreux, effrayant, vers le Prince.

Celui-ci le somme de se démasquer ; le spectre s’exécute, et découvre le visage de la Peste rouge – qui signe leur mort à tous.



Je ne peux résister, afin de bien marquer la rupture de registre de cette pièce avec ses consoeurs, d’en publier ici un extrait :

Comtesse gemma : Cette mascarade est magnifique.

Premier courtisan : Oui. D’une magnificence un peu excessive, un peu barbare, peut-être. Mais on ne saurait refuser au Prince Prospero une originalité et une hardiesse de conception très rares chez un prince.

Comtesse Gemma : On dirait une assemblée de rêves… Il y a les rêves suaves, les rêves grotesques, les rêves terribles. Ils passent, repassent, comme les visions nocturnes en un cerveau désordonné. La musique leur prête une vie surnaturelle. Ils s’animent au gré des cadences, ils flottent, ils s’arrêtent. En vérité, ne dirait-on point une assemblée des rêves ?



Politique, le message du Grand-Guignol l’est également, parfois, tel dans cette pièce, « Le chirurgien de service », de Johannès Gravier et A. Lebert ; l’histoire y décrit, en effet, une absurdité du règlement intérieur des hôpitaux : il n’existait qu’un chirurgien de service à l’époque, et les internes devaient opérer en sa présence !

En un seul acte, ce court spectacle présente ainsi une nuit dans la salle de garde d’un hôpital. Initialement joyeuse, la soirée tourne au drame lorsqu’une patiente, fraîchement arrivée, décède par manque de soins.



Pour rire, il convient néanmoins, afin de rétablir un juste équilibre, de placer ici les trames de certaines des plus ubuesques (et souvent cruelles) pièces de ce répertoire :

* Dans « Les opérations du Professeur Verdier », d’Elie de Bassan, un chirugien recherche sa pince à sucre préférée dans le corps de ses anciens patients. Il la retrouve finalement, dans le sucrier.

* "Dichotomie" de Georges Jubinet André Mouëzy-Eon, présente l'histoire d'une arnaque médicale... un médecin et un chirurgien s'entendent pour opérer une femme en pleine santé, afin de se partager els honoraires. La patiente ne supporte pas l'anesthésie, et meurt.

* « Les Nuits du Hampton Club », d’André Mouëzy-Eon, plagie le déjà imparfait « Club du Suicide » de Stevenson. Un homme se met en quatre pour entrer dans un fameux club sélect qui pratique le… suicide, au moyen de cartes. Il perd et y passe.

* Dans « Après coup !... ou Tics ! », de René Berton, on traite des désordes compulsifs, des « tics » et des « tocs », chacun étant associé à la pratique sexuelle. D’où des quiproquos assez gras. Warf warf warf.

* Bien plus noble et marrante, la pièce « Une leçon à la salpêtrière » de notre ami André de Lorde, dont la trame est jouissive : Une jeune fille, paralysée au bras à la suite d’une opération, retrouve l’interne responsable de sa situation, et lui lance de l’acide au visage. Brûlé affreusement, l’homme est encore une fois supplicié par ses collègues, qui le tabassent à coups de pied...

Rappelons à ce propos, puisqu’on parle d’acide, que le vitriolage semblait suffisamment populaire pour justifier de nombreuses pièces – « Le baiser dans la nuit » de Maurice Level par exemple – et qu’il était le plus souvent associé à la vengeance passionnelle.

* Au panthéon des noms d’œuvres qui font bien rire, « Le château de la mort lente » jouit d’une histoire toute adaptée. Dans un Far West miséreux, des voleurs vont entrer par effraction dans un… mouroir pour lépreux ! Ils n'en ressortiront pas... (oui je sais, les lépreux ne sont pas des zombis sanguinaires, mais ce n'est qu'une pièce...)

* Toujours aussi hécatombesque, « Le beau régiment », de Robert Francheville, avec son médecin qui fait des recherches sur la rage. Au sein du fameux régiment, un jeune polonais est le souffre douleur des autres soldats. Celui-ci intervertit alors une caisse de vaccin, et une autre contenant le virus ; en les tuant tous, il prend sa revanche.



Le Grand Guignol est donc, paradoxalement, un genre « populaire » qui nécessite tout de même une application pratique (scénographie, jeu) sans faille, puisque le chemin de l’épouvante croise souvent celui du ridicule ; mais il a parfois la puissance d’évocation de la peur, la jouissance du « suspens », l’humour de la cruauté, de l’ironie ; un style sans doute plus proche, il est vrai, des univers noirs du roman policier, que de la vision académicienne du « tragique ». Le Grand Guignol n’est pas Phèdre ; il est plus proche de la fascination morbide qui attiraient les foules devant les exécutions, de l’alarmisme de nos journaux d’actualité télévisés d’aujourd’hui, le parfum des « faits divers » ; il est plus proche de Jack l’Eventreur et de Marc Dutroux que de Médée, car ici la réalité a toujours pied, même si c’est une réalité du passé : le genre y apparaît ainsi comme un mélange abstrait des sujets « chauds » du journalisme à sensation, du vaudeville (parfois bourgeois, parfois prolétaire), de la propagande coloniale et de l’Histoire, mais enfin et surtout des « légendes urbaines », ces histoires qui seraient arrivés à… et qui perpétuent, depuis toujours, les grandes et les petites peurs de l’Humanité.

Le Grand Guignol, en cela, s’il n’a plus pour lui l’enthousiasme de ses débuts, "modernité" oblige, rejoint néanmoins les concepts les plus universels – et donc les plus aptes à être éternels – du spectacle : des hommes y souffrent face à un danger que peuvent (ou pouvaient) rencontrer les spectateurs. Il en est quasiment de même dans le cinéma horrifique d’aujourd’hui (la dimension généralement fantastique en plus). Au-delà de la simple Catharsis, il s’agit donc d’une variation « moderne » et « réaliste » des contes et des mythes antiques, dont le but était également d’effrayer et de prévenir le spectateur, par l’illustration.

C’est ainsi, principalement, des pièces morales qui sont présentées à travers le répertoire du Grand Guignol : mais qu’on ne s’y trompe pas, encore une fois… le genre a eu - et aura ? - ses trublions qui profiteront pleinement de leur liberté pour produire des jeux théâtraux cruels et divertissants.
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