(Chronique extraite du site www.theatredusang.net, n'hésitez pas à nous faire parvenir les vôtres...)
MACBETH
Pièce réputée maudite, qui n’a pas été jouée durant plusieurs siècles, Macbeth est sans nul doute l’une des œuvres les plus noires de son auteur. Pour ceux qui ne se sont pas encore penchés sur cette sombre histoire de guerre, de sorcières et de fantômes accusateurs, voici un petit résumé :
Sur un champ de bataille, en Ecosse, Macbeth et son ami Banco se perdent dans des brumes pour le moins étranges. Celles-ci se dissipent devant trois sorcières qui s’affairent autour de leur chaudron. Les vieilles femmes ont attiré les deux guerriers pour leur faire part de plusieurs prophéties qui les concernent (je synthétise) : Macbeth deviendra roi, et le restera tant que la forêt ne se mettra pas en marche ; personne ne pourra le tuer, excepté celui qui n’est pas né d’une femme ; mais sa descendance est condamnée à ne jamais occuper le trône, tandis que celle de Banco régnera.
Troublé par ces paroles, qu’il répète à sa femme, Macbeth est bientôt tiraillé entre deux sentiments : la joie de savoir qu’il deviendra roi, et la tristesse d'imaginer que sa lignée ne sera pas perpétuée. La jalousie l’emporte, et foudroie son ancien ami Banco. Finalement incapable de l’assassiner dans son sommeil, c’est Lady Macbeth qui se chargera du crime. Mais le spectre de Banco hante Macbeth, et menace de le rendre fou. De son côté, sa femme ne peut faire disparaître, à ses yeux, le sang de sa victime sur ses mains, et plonge également dans les affres de la démence.
Au pouvoir, le roi Macbeth se révèle un despote et un tyran sanguinaire. Duncan en subit les conséquences, et se voit ravir toute sa famille. Fou de douleur, le noble évincé mène une armée contre Macbeth, et pour la faire marcher en toute discrétion sur le château, la recouvre de feuillage. Voici donc la forêt qui s’avance vers Macbeth, et le dernier acte de la tragédie. Car Duncan, juste avant de lui plonger son épée dans les entrailles, révèle au tyran qu’il est un prématuré, qu’on a extrait du ventre de sa mère.
On constate déjà qu’on est très loin de la comédie de boulevard. Les mots « sang », « noir » et « mort » connaissent des occurrences plus que fréquentes dans le texte de Shakespeare. La plupart des personnages sont soit des brutes, soit des meurtriers. Au mieux, ce sont des soldats.
Pourtant, la guerre écossaise n’est pas l’intérêt principal de l’œuvre, semble-t-il. On reconnaît des traits d’humour ici et là, à travers quelques personnages secondaires ; surtout, Macbeth est une longue réflexion sur la vie et la mort, thèmes chers au dramaturge. Voici donc le tyran, juste avant sa défaite, seul sur ses remparts, qui clame : « La vie n’est qu’une histoire pleine de bruit et de fureur, et qui n’a pas de sens. Un pauvre fou qui s’agite sur une scène, et qu’on n’écoute pas. » A travers ces fulgurances oratoires, Shakespeare transcende son matériau originel, pour porter ses majestés homicides à un degré au-dessus du carnage, là où la philosophie a encore prise. Encore une fois, l’interprétation est cruciale, justement à cause du côté hermétique de la situation.
La pièce est noire, oui, définitivement. Ses personnages ont peu d’attraits sympathiques, le fantastique et les destinées rôdent, et tout se terminera mal. Voire pire. Il n’y a pas de héros dans Macbeth, hormis Duncan qui n’est qu’un soldat plutôt fruste. Tout le génie de Shakespeare apparaît dans l’excentricité de cette pièce conçue pour faire couler des rivières de sang, et éborgner un peu le « pouvoir » en passant.
Si vous ne l’avez pas encore découvert, comme pour tout Shakespeare, faîtes bien attention à la traduction avant de lire Macbeth ( l’anglais original est à réserver à ceux qui disposent d’un très bon niveau ), qui peut varier et, parfois, défigure le texte je trouve. En fait, les traducteurs choisissent généralement soit un style imagé qui rallonge le texte, soit un style plus direct et sonore, qui respecte une certaine oralité. A vous de voir, mais vu le prix de certaines éditions, feuilletez-les un peu avant d’acheter.