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 Dossiers du site : Le Grand Guignol (1)

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NK_Wyvern
trouve sa place...
NK_Wyvern


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Date d'inscription : 26/05/2004

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MessageSujet: Dossiers du site : Le Grand Guignol (1)   Dossiers du site : Le Grand Guignol (1) EmptyLun 10 Nov - 0:17

Théâtre de la peur et de la représentation physique des angoisses de son époque (et parfois de la nôtre), le Grand Guignol a su choquer et divertir son public, en France, durant toute la fin du dix-neuvième siècle jusqu'au début du vingtième siècle (avec une persistance radiophonique jusque dans les années 1960). Expérimentation à présent presque oubliée de l’épouvante théâtrale, supplantée depuis longtemps par le cinéma et la télévision gores, le genre est néanmoins resté populaire jusque dans le cliché qui formera l’adjectif « Grand Guignolesque ».

Le théâtre de la peur n’était-il alors qu’une éphémère bouffonnerie macabre et ultraviolente, inutile, gratuite, ainsi qu’on tend à le présenter, notamment à travers des mises en scène modernes parodiant son esprit dans des spectacles systématiquement axés sur le second degré ? N’y a-t-il pas un premier degré qu’il faudrait cerner, au préalable ?

Le Théâtre peut-il effrayer ?

Le Théâtre, enfant bâtard des danses et traditions tribales, de la représentation moralisatrice de l’Antiquité, et de tous les trublions fanatiques de conspirations, de sorcières et de fantômes tels Shakespeare, peut-il conditionner des sortes de « fables populaires modernes » basées sur chacune des « peurs », chacun des « monstres » de l’inconscient collectif (majoritairement alors européen et colonialiste), selon la formule :

Une peur - une comédie, une tragédie ?

Pour essayer de répondre à ces questions, examinons l’histoire et les œuvres du Grand Guignol, en France ; Au-delà du lieu, qui n’en a été que le reflet matériel, attachons-nous aux textes et surtout, aux thèmes de cette école de la terreur au Théâtre.

La torture y tient une place prépondérante, mais nous l’écarterons d’emblée de notre champ en tant que thème car elle constitue souvent un moyen et, bien que très représentée dans le genre, y a différentes significations morales, et causes bien entendu ; que serait un genre « violent » sans la torture, enfin ?

Evacuons de même, dès à présent, toutes les considérations racistes, colonialistes, antisémites et autres contenues dans le répertoire du Grand Guignol ; N’oublions pas qu’il s’agit d’un genre basé sur les fantasmes paranoïaques d’une société, dans laquelle effectivement, les cannibales, les révoltes dans les colonies, voire la « question juive » étaient des préoccupations réelles d’alors. Certaines pièces peuvent alors choquer, par leur message qui serait vu aujourd’hui comme sectaire, ou raciste, ou antisémite. Mais il est à mon avis possible de recréer ces œuvres, qui contiennent néanmoins des ressorts théâtraux intéressants, en leur amputant ces pensées qui ne sont plus de notre époque. D'autre part, on ne peut pas accuser le genre de faire de la lèche au gouvernement... Il faut donc simplement mettre ces pensées nauséabondes sur le compte de la bêtise d'antan, au même titre que les philosophes grecs n'étaient pas choqués par l'esclavage.

Effectivement, l’étude du Grand Guignol nous apprend que les peurs évoluent avec la société, et que certaines deviennent obsolètes ; Au vingt et unième siècle, une bonne partie de ces fantasmes paraissent aujourd’hui grotesques, mais c’est justement là qu’il nous faut pousser encore notre analyse : Le Grand Guignol a été un genre populaire et prolixe. Il n’en a pas moins été émaillé de chefs-d’œuvre, en offrant l’occasion à de jeunes écrivains par la suite reconnus (Gaston Leroux, Charles Méré) de pondre des réflexions sur le destin ou la fatalité, face au danger, et d’accoucher de pièces majeures telles « L’homme qui a vu le Diable ».

Il faut donc, aujourd’hui, sélectionner soigneusement les pièces qu’on veut étudier, dans ce répertoire, et garder en tête que dans la masse de « piécettes simplistes » et parfois néanmoins pompeuses, on trouvera LE texte parfait (« Une nuit au bouge », « Devant la mort »), LA machination imaginée pour torturer les personnages, et intéresser le public.

Ironiquement, si on peut donc rapprocher le genre du Z cinématographique actuel, on y déniche occasionnellement des petits bijoux d’efficacité, qui en moins d’une heure, avec quelques personnages, créent une tension et un suspens enthousiasmant. Dans ces œuvres, le genre peut tout-à-fait atteindre la "classe" du roman policier.

Et puis, bien sûr, il y a ceux qui aiment ça. Les giclées de sang sur le public, les vitriolages sur scène, les coups de couteaux ; Personnellement, j’y préfère largement les élans parfois politiquement incorrects – telle la présence d’une guillotine sur scène dans une représentation de la Terreur révolutionnaire (La Veuve), qui a alors fait scandale.

Certains aimeront ces fables d’aventuriers torturés par des cannibales, j’y préfère les volontés de terreur nouvelle (« Au téléphone », dont l’action se passe hors scène, « La folie blanche », qui voit des parents impuissants observer au télescope la mort de leurs enfants en montagne), et le jusqu’au-boutisme de la démarche – même s’il n’y eut pas tant de morts que cela sur scène, au final, contrairement à ce que son cliché peut faire croire ; en effet, d’autres thèmes étaient jugés aussi sulfureux que le meurtre ou la torture : la sexualité, par exemple, notamment dans d’hilarantes histoires de lesbiennes censées «choquer»...

Tel Shakespeare en son temps, le Grand Guignol revisite également l’Histoire, et n’en retient globalement que les noms les plus « affreux » : Raspoutine, Sade, Barbe Bleue sont donc de la partie dans des pièces généralement éloignées des réalités historiques, et dégoulinantes de cruauté factice. Les tout débuts des projets artistiques « à licence » donc, capitalisant sur des noms connus pour revendre la soupe.

Non, décidément, le Grand Guignol n’est pas un genre évident. Il faut en connaître les maîtres, qui eux-mêmes ne sont pas parfaits.

Parmi plusieurs centaines de pièces, analysons-en quelques-unes de plus près :



« L’homme qui a vu le Diable », de Gaston Leroux, drame en deux actes, représenté pour la première fois le 17 Décembre 1911.

Une bande de randonneurs, surpris par une tempête, est recueillie par un homme dont on dit qu’il a rencontré Satan. D’abord taciturne, le vieillard prévient ses invités qu’il ne peut pas jouer aux cartes, et qu’ils ne doivent surtout pas ouvrir l’une des portes du salon ; cette dernière étant marquée par une croix blanche. La tentation et la provocation aidant, les invités de « L’homme » (ainsi nommé dans le texte) vont courir à leur perte, bien entendu.

Ca se termine mal, un peu naïvement, à grand coup de prophétie ; le gros morceau de bravoure de la pièce se situant préalablement, lors d’une suite de duels de cartes, visant à jouer contre le Diable. Ici, le suspens est à son comble, très habilement mené.

Les personnages des randonneurs, quant à eux, sont esquissés de manière assez caricaturale – à travers notamment un triangle amoureux superflu qui veut se justifier à la fin de la pièce, mais y parvient de manière douteuse. Ils ne nous sont jamais très sympathiques, ces « jeunes », presque ennuyeux.

Puis, il y a « L’homme », et son histoire, qui font basculer le texte dans la noirceur des vautours annonciateurs de mauvais augures, et des lettres de feu expéditives... Ironiquement, la malédiction de leur hôte est une bénédiction, puisque celui-ci ne peut pas perdre ! Ce qui ne cesse de le rendre fou, et de lui rappler son pacte... La rupture de ton est nette ; l’illustration théâtrale parfois évidente (tempête au-dehors, vents forts) y fait alors place à une petite critique du jeu et du hasard ; une sorte d’ironie à la « Quatrième Dimension », chère à tous ceux qui écrivent des histoires sur le Diable.

Une scène de miroir peut notamment se révéler « spectaculaire », si elle est bien réalisée, le reflet devenant "démoniaque". Finalement, l'un des randonneurs, celui qui avait outrepassé les conseils de "l'homme" (ne pas ouvrir la porte frappée d'une croix blanche) tue par accident son meilleur ami.

En bref, cette pièce imparfaite dévoile néanmoins de bonnes idées, et quelques bons personnages (« L’homme » et sa servante). La violence y est rare, un peu forcée ; l’histoire est un prétexte pour un jeu contre le possédé; pourtant, elle tient suffisamment en haleine pour pouvoir classer cette œuvre dans le répertoire majeur du Grand Guignol.



« Le laboratoire des hallucinations », d’André de Lorde, présenté pour la première fois le 11 avril 1916.

Ici, on pourra en profiter pour esquisser un type d’histoires coutumier au Grand Guignol (et dont l'auteur s'est fait spécialiste) : Les vengeances de médecin. Les progrès de la médecine, et surtout ses dérives, ainsi que les débuts de la chirurgie du cerveau effrayaient effectivement facilement le public d’alors. Le motif de ces vengeances était généralement l’adultère.

Dans un pays lointain, une femme volage trompait son mari docteur qui se vengeait sur l’amant, en deux actes dont le premier introduisait la situation. Un classique donc, qui entre parenthèses est repris dans des shows plus actuels tels « Les Contes de la Crypte », etc…

Exhumons deux textes-clés de cette trame scénaristique : « Le laboratoire des hallucinations », d’André de Lorde en premier lieu, puis « Devant la mort » d’Alfred Savoir et Léopold Marchand.

Sonia et son mari, le médecin en chef d’un asile d’aliénés dans « un pays éloigné », sont en froid. Le docteur la tient enfermée par jalousie, tandis que le quotidien est transpercé par les cris de douleur des internés. La gouvernante (effet d’annonce, première scène) rappelle la situation (l'enfermement) et signifie à sa maîtresse qu’ « elle a peur » (suspens), et qu’elle ne veut plus rester. Suivent plusieurs scènes d’exposition jusqu’au méchant, bien entendu le docteur ; qui malgré ses précautions est cocu. Vaudevillesque, non ?

Le personnage est néanmoins sadique à souhait, puisqu'il s’arrange pour trépaner son rival, après l’avoir torturé ; il en fait une sorte de zombi.

Alors qu’on s’ennuyait cependant un peu, à travers le mythe revisité de la créature de Frankenstein, la toute fin est tétanisante de violence, et fait l’effet d’un électrochoc : à la dernière minute de la pièce, le trépané se rebelle, et saute sur son bourreau, pour l'étrangler !



« Devant la mort », d’Alfred Savoir et Léopold Marchand, représenté pour la première fois le 7 novembre 1920, ainsi, quatre ans après, reprend une partie de cette trame « classique » mais pourtant, à l’inverse, sous la plume tordue de ces deux auteurs, devient un huis clos bien plus fin et prenant.

Eve, la femme volage, et Jean, l’amant chasseur, sous placés dans le contexte d’une épidémie de rage (pas de tempête cette fois-ci donc, ouf !) ; les chiens sont abattus ; le docteur Plassant devient fou. Après un premier acte qui présente la violence en sous-texte, il inverse la situation en kidnappant les deux tourtereaux, et en les enfermant dans le pavillon de chasse de l’amant (seul lieu de l’intrigue).

Mais, il a infecté l’un des deux avec le virus de la rage, et ne dit pas lequel; prétextant avoir piqué au hasard; il leur laisse seulement un revolver, chargé d’une balle.

Le deuxième acte représente donc les efforts de survie du malheureux couple pour survivre - et deviner lequel a été infecté ; le spectateur lui-même n’a pas la réponse. La balle part finalement. Eve est tuée.

Le docteur Plassant découvre la vérité : il n'avait infecté personne. Jean est arrêté. Manipulation totale. La vengeance est parfaite.

« Devant la mort » est donc un texte un peu plus fin que la moyenne, rare dans ce genre; Les dialogues n'y sont peut-être pas des modèles, mais l’intrigue est solide et intéressante. Le tout est très efficace, pas de scène superflue, et la situation justifiée par la fin de l'histoire.

Cette pièce peut être considérée comme un morceau de bravoure dans le répertoire du Grand Guignol.



« La mort qui passe ou Dans l’ombre », par José Germain, représenté pour la première fois en 1924, illustrera une thématique également récurrente dans le genre : celle axée sur la mythologie des « coupe-gorge », ces auberges dans lesquelles les voyageurs sont volés et assassinés par les propriétaires de l’établissement ; dans la pièce de José Germain, l’action se situe auprès du couple qui franchit la limite du meurtre. Dans une seconde partie, nous étudierons « Une nuit au bouge », qui sur ce même thème prend un tour plus original, mais tout aussi ironique et cruel.

Boris et sa femme, Sonia, sont acculés par leurs dettes au bord de l’expropriation. Leur petite auberge, désertée depuis plusieurs années, est en faillite. Leur fils unique, qui est en ville, ne fait que se saouler et leur prendre de l’argent ; demain, ils doivent rembourser l’échéance, ou partir ; arrive un voyageur.

L’homme, qui répond au nom de Samuel, loue leur chambre et leur emprunte un peu de pain et de jambon. Tandis que Boris a le dos tourné, le voyageur drague sa femme, et lui exhibe quelques-uns des bijoux en sa possession. Boris les surprend ; il joue la comédie en attendant que le client soit dans sa chambre, puis se tourne vers sa femme, rageur. Celle-ci le traite d’idiot : elle lui dit qu’avec ces bijoux, leurs malheurs étaient finis.

Boris est lent, et honnête de souche. Sonia doit lui expliquer en détail son plan. L’homme refuse de se faire meurtrier ; sa femme joue sur sa jalousie, en promettant de partir avec le voyageur. Boris se fait terrible, et va accomplir son forfait.

Au matin, les aubergistes assassins se consolent en pensant aux bijoux qu’ils ont gagné dans l’aventure, lorsque… Samuel reparait, frais et gaillard, pour le petit-déjeuner !

Boris et Sonia, tour à tour épouvantés et interloqués, accumulent les erreurs, qui conduiront à la double conclusion de la pièce. Du sang s’égoutte du plafond ; Samuel découvre le crime ; Boris le menace, mais le voyageur sort un revolver, et réussit à s’enfuir, pour aller prévenir la police.

Les deux aubergistes ont en fait tué leur propre fils, qui est revenu pendant la nuit, tandis que le voyageur a dormi dans le grenier !

Ivre de rage, Sonia tue Boris d’un coup de couteau.

La pièce s’achève sur la mère, à terre, qui sanglote : « Mon petit… Mon petit… Mon petit… »

Comme l’a si bien noté Agnès Pierron dans son anthologie du Grand Guignol, il s’agit donc d’abord d’une pièce sur la méprise. L’erreur accroît encore l’aspect tragique de l’œuvre, lui donne presque une justification : le couple pensait qu’il n’avait plus rien à perdre, la fin leur montre qu’ils peuvent encore souffrir de leur situation.

Réglons à présent un point évident de cette œuvre : l’aspect caricatural des personnages, qui sont des clichés assez communs : Boris, le russe bourru et alcoolique, Sonia la femme – donc forcément perfide – et, bien entendu, Samuel le juif riche qui vole les femmes des autres.

La pièce recèle à ce propos des répliques de Sonia clairement antisémites : « N’est-ce pas un de ces argentiers, de ces usuriers, de ces rapaces qui vivent aux dépens du monde… » On doit néanmoins modérer cet aspect de l’œuvre par son ton final : Samuel se révèle honnête, et il s’en sort vivant (la survie étant sylbolique dans le genre). Le meurtrier est puni par sa femme ; Sonia perd son enfant, enfin.

De même, cet « antisémitisme » est surtout imputable à Sonia, puisque Boris peine à se laisser convaincre, et déclare : « Quelle justice ? Tuer un innocent ! ».

Il faut remarquer en revanche les dialogues admirablement ciselés (et pourtant très directs), qui font de cette pièce un bon petit moment de glauque et de terreur, fort bien équilibré.
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