Adaptation :
Pascal Parsat
Mise en scène :
Christophe Luthringer
Création musicale :
Pierre Jeannot
Création sonore :
Sébastien Chatron
avec Pascal Parsat (Rivière)
J'ai récemment eu l'occasion (héhé vive les invit') d'assister à la grande première de cette création française, adaptée du célèbre et néanmoins pas très joyeux "Vol de nuit" de Saint Exupéry, qui décrit l'univers des vols long courrier, tel que l'auteur a pu le connaître. L'histoire est cependant romancée, et même plus : elle est carrément métaphysique, sentimentale, en un mot - poétique !
J'avoue que je ne connaissais pas ce texte, et que son interprétation (réussie, à mon sens) m'a beaucoup touché (ou comment tuer le suspens au 2e paragraphe d'une critique...); dans ce monde de machines et d'hommes, Rivière, le chef de la société de transport de courrier, passe pour un sans-coeur. Impitoyable, il n'hésite pas à renvoyer des employés qui ont quinze ans d'ancienneté, à la première erreur commise.
Evidemment, tout n'est pas aussi simple, et le public découvrira que ce faux dur, bien qu'exempt de remords, n'est pas cruel par plaisir, mais par une sorte de droiture inébranlable. L'exactitude est la seule récompense de cet homme vieillissant, sans famille, uniquement consacré à son travail, mais non aigri par la vie. Seul son assistant, qu'il ne ménage pourtant pas, parvient à approcher quelque peu ses pensées. Derrière la routine apparente de ses actions, Rivière cache ainsi un énorme coeur plein de considérations pour l'humanité. Et c'est bien celle-ci qui sous-tend l'oeuvre de St Exupéry : qu'un élément de ce monde mécanique lâche, et on la voit ressurgir...
C'est ainsi que le drame se noue, brutalement, lorsqu'un avion est porté absent. La femme du pilote, handicapée en fauteuil roulant, mais très fière, en vient à harceler ce patron bourru, qui ne peut lui refuser son maigre (et vain) réconfort. Sur scène, des échafaudages illustrent la société, un cockpit, le ciel et la terre; la mise en scène, inventive, se met à la portée des personnes handicapées : son retransmis dans des casques pour les malentendants, programme en braille... elle innove encore en diffusant, dans la salle, des odeurs tout au long du récit : parfum des fleurs lorsque la femme est seule, chez elle, ou odeurs de moteurs et d'huile lorsqu'on suit l'inéluctable catastrophe aérienne.
Vraiment, une bonne surprise... Cette pièce, qui tourne actuellement dans toute la France, en empruntant un texte déjà excellent, a su ne pas perdre de vue l'essentiel : ces putains d'émotions qui font de nous des humains. St Ex' était décidément un grand romantique, pour avoir réussi à concocter cette bizarre tragédie dans un univers aussi normé et désincarné; tout le génie de cette troupe éclate au grand jour, d'avoir su le transposer sur une scène !